lundi 31 mai 2010

Las Glorias Navales

Avec un peu de retard...

21 mai 2010, Valparaiso

Jour férié. 21 mai 1879, les chiliens triomphent à Iquique dans ce qui s'appellera la guerre du Pacifique, et qui leur permettra d'étendre le pays sur les territoires péruvien et bolivien, privant ces derniers de leur accès à la mer. Inutile de dire que fêter les "gloires navales" est perçu comme une humiliation pour les boliviens.
A part le fait que le choix de la date soit assez discutable, on profite quand même de la fête. En plus du défilé de marines, gendarmes, soldats et autres, Piñera, le tout nouveau président chilien, issu du parti de droite RN (Rénovation Nationale), vient rendre ses comptes à la nation dans un discours intutilé "cuenta publica". Il est question de la politique générale du gouvernement sur l'année et de la distribution du budget. Une petite visite au Parlement à valpo, qui passe assez peu inaperçu car elle est accompagnée d'une meute de tortues (les polciers au chili sont en verts). De toute façon le bruit des hélicoptères qui surveillent M. Piñera réveillent les derniers "porteños" qui ne seraient pas au courant (au cas où ils n'ont ni télé, ni radio, ni journaux, ni amis).

Nous aussi on est réveillés à l'aube, on descend en baîllant du cerro, certains un appareil à la main, d'autres quelques affiches roulées. Rendez-vous Plaza Victoria, pour ce que l'on m'avait dit être "la plus importante manifestation de l'année", d'autant que c'est le premier discours important de Piñera, dans un pays qui vient de vivre 20 ans de présidence "socialiste" (et démocrate chrétienne). Arrivée sur la place, impression un peu décevante : nous ne sommes pas plus d'un millier à protester. Ce chiffre assez étonnant peut s'expliquer par le fait que la manifestation se termine chaque année assez violemment, décourageant beaucoup de monde (on y revient plus tard). A cela s'ajoute la très faible organisation syndicale du Chili, étouffée par 25 ans de dictature, qui peine à reprendre son souffle. Mais on apprend plus tard que des bus qui venaient de tout le pays pour la manifestation ont été retenu à Santa Ossa et à Santiago par la poliche chilienne...

Les manifestants se mettent en marche, on donne de la voix sur la politique ultra-libérale du gouvernement, sur le choix de ce même gouvernement (les ministres sont acteurs de ciné - ou copains du président), sur le thème du tsunami assez mal géré, sur l'éducation privatisée...




La belle affiche de mes camarades, importée tout droit de Rennes 2
"les gouvernements nous pissent dessus, les médias nous disent qu'il pleut"




"les travailleurs qui reconstruisent le Chili n'ont pas le droit de négocier collectivement"




s'adapter aux situations typiquement chiliennes...




le souvenir mélancolique d'un socialisme avorté




"ce système est une catastrophe, il faut le changer"




Le convoi s'arrête à une vingtaine de mètre du Parlement, bloqué par des barrières de sécurité. Les différents présidents des organisations prennent la parole pour présenter leurs revendications, au même moment que le discours du président. On chante ensuite l'hymne chilien, et brusquement un groupe se détache pour mettre les barrières à terre... La suite en image.





photo : Reuters















Alors que l'affrontement battait son plein, un jeune touché à la tête par le jet de lacrymo du "guanaco" (les chars à eau chiliens, qui crachent quand ils sont fachés comme l'animal du même nom - un cousin du lama) tombe à terre, secoué par une crise d'épilepsie. Alors qu'une personne se précipite pour lui donner la main, une dizaine de reporter accourent pour enregistrer la scène. Et c'est à ce moment précis où je me suis demander si je voulais être photoreporter. Car ce sont des vautours qui se nourissent de la misère humaine.
Je crois que l'appareil photo, si l'on y prend pas garde, déshumanise.



photo: AFP


Après avoir été copieusement arrosés de lacrymo et intoxiqués de gazs verts, inconnus au bataillon mais qui te transforment en madeleine, s'ensuit une course effrenée dans les rues de Valpo pour échapper aux tortues, (pas évident de courir avec l'uniforme blindé) qui arrêtent toute personne suspecte présente sur les lieux. Et comme nous, en tant qu'étudiants étrangers, on n'est pas supposé exprimé notre désaccord, on détale sans trop tarder.


photo: Reuters



Et voilà sur quoi on tombe au détour d'une rue, envoyés tout droit de Santiago... J'ai des frissons en imaginant à quoi on dédiquait l'usage de ces chevaux...





L'estomac ouvert par tant d'aventures, on va casser la croute, histoire de reprendre des forces pour la deuxième partie des réjouissances: le défilé militaire. On ne se prive pas pour faire les andouilles et jouer à la guerre entre les pingouins qui défilent en levant bien haut la jambe, devant l'oeil parfois amusé, et souvent choqué des chiliens venu fêter la gloire de leur nation.




photo : Pablo Ovalle






"A bas l'Etat policier!"

Dominique Grange


mercredi 19 mai 2010

Rock My World Bab'

18 mai 2010, Valparaiso

Agnes et Paolo, un jeune couple multiculturel (elle est suédoise et lui chilien) ont besoin de photos pour la jaquette de leur premier CD. Mon salon se transforme rapidement en studio...









































































lundi 17 mai 2010

Chroniques Post-Terremoto

27 avril 2010, Concepcion

Exactement 2 mois après le tremblement de force 8,9 qui a secoué la région.






























dimanche 9 mai 2010

L' Anonyme

28 avril 2010, Tumbes, Chile





Je vis dans une tente, avec 6 autres personnes. Dans un campement plein de tentes absolument identiques. J'ai perdu ma maison et tout ce qu'elle contenait. Comme si mon passé n'existait plus.
Je suis anonyme.

mercredi 5 mai 2010

Chroniques Post-Terremoto

28 avril 2010, Tumbes, Chile

"2 mois plus tard".


Je suis partie une semaine, à l'endroit de l'épicentre du tremblement de terre. Cet après midi là, je prend des photos d'un village durement touché par le tsunami. Je rencontre deux femmes avec qui j'entame la conversation, Ana Maria et Belina.





Ana Maria nous conduit dans sa "media agua", ces maisons d'urgence temporaires en bois. Elle n'y habite pas, elle est pour l'instant hebergée dans la maison d'un vacancier qui lui a laissé ses clés.
De toute façon, elle ne veut pas y habiter. Le sol grince terriblement à chaque pas. Les fentes entre les planches laissent passer la pluie et le vent.
Belina m'explique qu'elle aussi a une media agua, mais que comme la plupart des réfugiés sismiques, elle préfère vivre dans une tente. Il y fait plus chaud.





Ana Maria me raconte comment sa chienne a été sauvée d'entre les décombres, après 3 jours.
Les deux femmes sont assises sur ce qu'il reste à Ana Maria. Quelques vêtements.


Elle m'emmène dans son ancienne maison. Sur le chemin, on passe devant l'église, emportée par les eaux. Ana Maria me dit qu'elle voit beaucoup de douleur dans les yeux de Jésus.










Tout en marchant, elle me raconte son histoire. Elle était dans sa maison lors du tremblement. Malgré la très forte secousse, celle-ci était intacte après les mouvements sismiques. Ana Maria a pris peur et comme ses voisins, elle a couru en haut de la colline. C'est là qu'elle s'est tordue la cheville. Depuis elle marche avec une béquille.
Elle est redescendue le matin pour découvrir que la mer avait emportée avec elle le premier étage. Il reste les murs principaux. Le 2ème étage est intacte.





Après le choc de la découverte, Ana Maria garde espoir de réparer sa maison.
Cette maison, elle y est née.
Un mois plus tard, des ingénieurs lui annoncent que les fondations sont trop instables. La maison devra être détruite.


Ana Maria passe des heures à regarder la mer, accompagnée du chien abandonné par son voisin lorsque qu'il a quitté le village après le tremblement.
Elle ne descend plus sur la plage. Elle a bien trop peur.





Elle regrette que les gens du village n'aient pas été plus solidaires. Nombre d'entre eux, qui vivaient plus haut sur la colline, à qui il n'est rien arrivé, n'ont tendu ni la main pour aider, ni l'épaule pour réconforter.
Elle remercie les pays étrangers pour l'aide apportée. Jamais les réfugiés sismiques n'ont manqué de nourriture.

L'ironie de l'histoire, c'est qu'elle n'a pas de titre de propriété de son terrain. Le village existe depuis environ deux-cent-cinquante ans mais peu des habitants en on fait la demande. Sans ce titre, elle ne recevra pas les aides du gouvernement.

Ana Maria rit encore.
Elle dit qu'il ne lui reste que ça de toute façon.